En contraste avec les périodes de renchérissement que l’économie suisse a traversées et les différentes hausses du taux directeur qui en ont résulté depuis 2022, la Banque nationale suisse (BNS) a opéré un virage à 180 degrés en réduisant son taux directeur à quatre reprises, le ramenant ainsi à 0.50 % (1). La dernière double baisse de 0.25 % a eu lieu en décembre 2024. Cette réduction significative des taux a été une réponse à la désinflation observée sur le territoire helvétique depuis avril 2024, avec un taux annuel tombant à 0.6 % (2), son plus bas niveau depuis juin 2021. Cependant, cette politique monétaire contrastée se distingue nettement de celle des économies européennes voisines, où les différentes inflations se sont maintenues à des niveaux similaires, proches de ceux observés en 2023 (3). Face à l’absence de pression désinflationniste comparable à celle observée en Suisse, la Banque centrale européenne a été contrainte de maintenir des taux directeurs élevés (4). La faiblesse conjoncturelle persistante de la zone euro, et en particulier de l’Allemagne — principal partenaire commercial de la Suisse — n’offre pas de véritable opportunité pour soutenir la croissance de la Suisse. À cela s’ajoutent la pression décroissante sur les prix et un franc fort, des facteurs qui ont permis à l’inflation de passer sous le seuil de 1.0 %. De l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis demeurent le principal moteur de la croissance mondiale. La conjoncture américaine reste solide (5), probablement soutenue par la consommation privée, qui bénéficiera des réductions d’impôts et des autres mesures de stimulation monétaire.
Après une hausse fulgurante des taux hypothécaires en 2022, qui a atteint son point culminant à la fin du troisième trimestre 2023, le marché des taux hypothécaires a connu un assouplissement, jusqu’à atteindre en moyenne 1.56 % (6) pour les prêts à taux fixe sur dix ans et 1.38 % pour ceux sur cinq ans. La réduction du taux directeur a eu un impact immédiat sur le taux SARON, qui s’élevait à 0.45 % (7) au 31 décembre 2024. Ces nouveaux paramètres ont servi de catalyseur à une reprise espérée, comme en témoigne la croissance du nombre de transactions sur le marché genevois au cours du dernier trimestre de l’année (+27 %)(8).
Les fondamentaux de l’économie suisse restent particulièrement réjouissants. En effet, les prévisions démographiques pour le 31 décembre 2024 anticipent le franchissement de la barre des 9 millions d’habitants (9) en Suisse, correspondant à plus de 98’000 nouveaux résidents dans le pays. L’année 2023 a enregistré un niveau record d’immigration, principalement en raison des différents conflits internationaux. L’année 2024 est restée une année dynamique en termes d’immigration. Avec un taux de chômage contenu (2.4 %), ce flux migratoire viendra répondre aux emplois nouvellement créés (1.4 %). Ces statistiques, toutes favorables à un essor économique certain, montrent que l’économie suisse reste bien positionnée pour poursuivre son élan et maintenir sa croissance.
L’offre de logements a atteint durant l’année 2024 son niveau le plus bas depuis au moins dix ans, avec moins de 42’000 (9) nouveaux logements mis sur le marché. Ce phénomène résulte de plusieurs années de stagnation du nombre de demandes de permis de construire. Cette insuffisance de nouveaux logements mis sur le marché engendre ainsi un déséquilibre face à une demande constante. Selon les dernières données (10) publiées par l’Office fédéral de la statistique au 1er juin 2024, la Suisse comptait moins de 52’000 logements vacants. Ce nombre représente une diminution d’environ 5 % par rapport à l’année précédente et surtout une baisse d’un tiers par rapport au pic de 2020, lorsque 78’832 logements étaient vacants. En 2024, le taux de vacance s’est établi quant à lui à 1.08 %, en baisse de 7 % par rapport à l’année précédente. Cependant, la vitesse de cette réduction s’est atténuée, la moyenne annuelle étant de 10 % entre 2020 et 2023. Une étude menée par Wüest Partner en 2023 suggère qu’un taux de vacance optimal pour le pays devrait se situer à 1.27 %. A ce niveau, le marché de la location reste suffisamment fluide, sans que les loyers médians subissent de pressions importantes, que ce soit à la hausse ou à la baisse.
Le marché immobilier lémanique suit également la même tendance. Pour le canton de Vaud, le nombre de demandes de permis de construire pour de nouveaux immeubles reste stable pour l’année sous revue, s’élevant à 1465 (11) demandes, contre 1487 l’année précédente. Quant à l’offre de nouveaux logements elle poursuit sa baisse, avec seulement 832 (11) unités livrées, contre 902 l’année précédente. Cette détérioration de la situation s’explique par la complexification des processus de demande de permis ainsi qu’un nombre croissant d’oppositions aux différents projets, entraînant des ralentissements administratifs de la part des autorités.
De son côté, la situation économique à Genève reste favorable dans l’ensemble du canton, malgré un contexte international incertain. La variation trimestrielle du nombre d’emplois dans le canton de Genève reste nettement supérieure à la moyenne nationale à 0.90 % (12) pour le dernier trimestre 2024, contre 0.20 % au niveau national. Inférieur à son pic atteint au 1er trimestre 2023, le nombre de logements neufs en construction dans le canton de Genève connaît néanmoins une légère phase ascendante depuis le début de l’année, avec 7886 logements (12), soit une hausse de 2.7 %. Cette légère détente entre l’offre et la demande sur le marché immobilier genevois ne suffit cependant pas à faire remonter un taux de vacance toujours particulièrement bas. En conséquence, il ne faut pas compter sur cette amélioration marginale pour espérer une détente du marché.
Tous les voyants sont donc au vert pour un marché immobilier dont les fondamentaux restent encore et toujours très positifs. Les baisses du taux directeur de la Banque nationale suisse (BNS), ainsi que celles qui pourraient intervenir prochainement, devraient stimuler le secteur de la construction, les investissements en général et la consommation, laquelle devrait bénéficier au passage de la hausse des salaires réels induite par la baisse de l’inflation. Une croissance du PIB comprise entre 0 % et 2 % semble être un scénario très probable pour l’année à venir, indicatif d’une inflation et d’une croissance maitrisées par la BNS.
*******************************************************************
(1) Taux d’intérêt et cours de change actuels, Banque nationale suisse, consulté le 18 mars 2025.
(2) Prix à la consommation, Office fédéral de la statistique, consulté le 18 mars 2025.
(3) Le taux d’inflation annuel de la zone euro en hausse à 2.4 %, Eurostat, 7 janvier 2025.
(4) Les taux monétaires directeurs, Banque de France, consulté le 18 mars 2025.
(5) La propriété du logement : mieux qu’un placement en bourse ?, Raiffeisen, 31 octobre 2024, page 8.
(6) Les taux hypothécaires poursuivent leur baisse après la réduction du taux de la BNS, Radio Télévision Suisse (RTS), 18 décembre 2024.
(7) Taux hypothécaires : prévisions de taux et évolution, UBS, consulté le 18 mars 2025.
(8) Synthèse du marché de l’investissement immobilier genevois — 4e trimestre 2024, Naef Commercial | Knight Frank, 14 février 2025.
(9) Marché immobilier suisse 2024 | 4, Wüest Partner, publié le 14 novembre 2024.
(10) Le taux de logements vacants continue de baisser en 2024, Office fédéral de la statistique, 10 septembre 2024.
(11) Activité de la construction, Etat de Vaud, consulté le 18 mars 2025.
(12) Evolution de l’indice genevois des prix à la consommation, République et canton de Genève, consulté le 18 mars 2025.